L’aérobiome: et si la campagne protégeait nos poumons ?
L’asthme est en hausse au Québec. Selon l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), la proportion de personnes atteintes est passée de 6,4 % en 2001 à 11 % en 2017. En parallèle, les allergies saisonnières, notamment au pollen, se multiplient. Résultat : les systèmes de santé peinent à suivre et les coûts augmentent.
Derrière cette tendance inquiétante, un coupable bien identifié : l’urbanisation. Vivre en ville signifie moins de nature, plus de pollution, une alimentation transformée et un quotidien souvent éloigné des micro-organismes bénéfiques.
Mais si la solution se trouvait… à la ferme ?
Une bouffée d’air rural
Imaginez la scène : c’est le printemps, vous décidez de donner un coup de main à un ami agriculteur qui récolte du foin. Bonne action ! Sauf qu’à peine arrivé, vous voilà pris d’éternuements, les yeux qui piquent, la gorge irritée. Votre ami, lui, continue son travail sans le moindre symptôme. Pourquoi ?
Tout simplement parce que vivre à la ferme modifie notre rapport aux allergènes.
Depuis une vingtaine d’années, de nombreuses études montrent que les enfants qui grandissent en milieu agricole développent beaucoup moins d’asthme et d’allergies que ceux élevés en ville. La raison ? Un contact précoce et régulier avec une grande diversité de micro-organismes.
L’aérobiome, cet allié invisible
Ces micro-organismes présents dans l’air forment ce qu’on appelle l’aérobiome. Sa composition dépend de l’environnement : climat, végétation, types de sols et d’activités humaines. Et il influence directement notre santé.
Durant la première année de vie, le système immunitaire des bébés est en pleine construction. C’est une période charnière où les bactéries de l’environnement — notamment celles des fermes — jouent un rôle clé. En colonisant la peau, la bouche ou les intestins, elles stimulent les défenses naturelles, favorisent une réponse immunitaire équilibrée et réduisent les risques de réactions allergiques plus tard.
Mieux encore : certaines bactéries produisent des substances anti-inflammatoires naturelles, comme les acides gras à chaîne courte, qui protègent les voies respiratoires contre l’inflammation chronique, typique de l’asthme.
L’effet vaccin de la ferme
Parmi ces bactéries, certaines transportent des endotoxines, des composés qui peuvent, à haute dose, irriter les bronches. Pourtant, en faibles quantités et lorsqu’elles sont rencontrées tôt dans la vie, ces endotoxines jouent un rôle comparable à celui d’un vaccin : elles entraînent le système immunitaire à se défendre sans s’emballer.
Résultat : les enfants exposés à ces endotoxines développent davantage de cellules immunitaires appelées lymphocytes T de type 1, capables de réagir aux vraies menaces, comme les infections. En revanche, les enfants vivant en milieu urbain sont plus enclins à produire des lymphocytes T de type 2, associés aux réactions allergiques.
La tolérance, une question d’habitude
Revenons à votre ami le fermier. S’il ne réagit pas au foin, c’est parce que son système immunitaire a appris à le tolérer. Le contact répétitif et naturel avec les allergènes développe cette tolérance. Vous, en revanche, ayant grandi en ville, n’avez pas eu cette exposition régulière — d’où la réaction immédiate.
Cela dit, tout ne s’explique pas uniquement par l’environnement. La génétique entre aussi en jeu : certaines personnes sont plus sensibles, quels que soient leurs lieux de vie.
Et en ville, alors ?
Tout le monde ne peut pas déménager à la campagne. Mais peut-on recréer une partie des bienfaits de la vie rurale en milieu urbain ?
Les chercheurs le pensent. En multipliant les espaces verts diversifiés, en favorisant le contact avec les animaux, en réduisant la pollution et en valorisant une alimentation moins transformée, on pourrait aider les enfants des villes à développer un système immunitaire plus résilient.
Notre équipe étudie d’ailleurs les bactéries de l’air dans plusieurs grandes villes canadiennes. L’objectif : mieux comprendre les liens entre biodiversité bactérienne, inflammation et maladies respiratoires. Et, peut-être, inspirer de nouveaux modèles d’urbanisme plus sains.
Une question de microbes… et de vision
Ce que nous respirons, touchons et mangeons façonne notre santé dès la naissance. Plutôt que de diaboliser les microbes, peut-être est-il temps de les accueillir comme des alliés. Et de réinventer nos villes pour qu’elles ressemblent, un peu plus, à des campagnes.
références : https://theconversation.com/growing-up-on-a-farm-can-prevent-asthma-and-allergies-255697



